La fin de l’époque ferroviaire
Jusqu’à la fin des années 1950, l’activité ferroviaire a dominé le cœur des Louperivois. Dans toutes les familles, un grand-père, un frère ou un oncle travaillait au chemin de fer. L’histoire de ces cheminots, serre-freins, chauffeurs d’engin, Canadiens français ou immigrants d’origine anglophone, irlandaise et écossaise, catholiques ou protestants, fait encore partie de l’imaginaire collectif des Louperivois. De part et d’autre de la rivière, les deux quartiers qui sont nés de l’industrie ferroviaire gardent des souvenirs de cette grande époque où les familles Yeo, McNeil, Smith et les familles Pettigrew, Lebel et Savard travaillaient dans la langue de Molière et préparaient le fret pour des convois de plus de quatre-vingts wagons.
Après la fin de l’ère des locomotives à vapeur, le diesel remplace peu à peu les chaudières et les employés qui les surveillent et les alimentent en charbon. Au fil des ans, les trains sont de plus en plus rapides et fiables. Du coup, les cheminots deviennent de moins en moins indispensables. Dans les années 1970, une gare neuve prend la place de l’ancienne gare centenaire du chemin de fer l’Intercolonial, signe des temps modernes et d’une volonté de s’élancer vers de nouveaux horizons.
Vue aérienne des installations au sud de la ville, BAnQ, E21,CAFC,N47-1, 1928.
Avec la chute des activités ferroviaires et la diminution du trafic à la gare de Rivière-du-Loup, la ville a subi une baisse de croissance, mais les industries du secteur primaire et de la transformation lui ont permis de maintenir une position favorable en s’appuyant sur le développement d’un réseau de transport efficace. De nos jours, la ville demeure un point de passage de la route Transcanadienne, à l’intersection des autoroutes 20 vers Québec et Montréal et 85 vers Edmundston et le Nouveau-Brunswick. La liaison maritime entre Rivière-du-Loup et Saint-Siméon représente également un atout considérable. Depuis des siècles, comme à l’époque où il était fréquenté par les Amérindiens, le secteur tire profit de sa situation géographique et de sa vocation de lieu de rencontre et de passage. Deuxième ville en importance au Bas-Saint-Laurent, Rivière-du-Loup est la principale concurrente de Rimouski, qui est deux fois plus populeuse et constitue le centre de services régional.
Les ressources naturelles
Au cours du 20
e siècle, de grandes entreprises du bois et de la tourbe ont marqué tour à tour leur époque. Les bâtisseurs ayant fait place aux deuxième et troisième générations, ces belles histoires de familles et de talents font briller la réputation de la ville encore aujourd’hui.
Le potentiel énergétique de la rivière explique à lui seul une grande partie du développement économique de la ville jusqu’au milieu du 20
e siècle. La canalisation de l’eau et le transfert de sa force motrice ont permis aux moulins, manufactures et usines de se tailler une place enviable dans l’économie de transformation des matières premières.
Vue de la chute et de la rivière qui traverse la ville du sud vers le nord. Source : Album historique de la Ville de Rivière-du-Loup, no 185, vers 1940.
En 1881, une première manufacture de pulpe ouvre ses portes sur les rives de la rivière du Loup, utilisant le pouvoir d’eau du bassin et des petites chutes, connues sous le nom de « chutes à Warren ». Ces dernières alimenteront l’usine de pâte à papier de la Rivière-du-Loup Pulp Company, puis de la Mohawk Pulp Company, qui restera en fonction jusqu’à la fin des années 1990.
Une grande usine de pâtes et papier, encore en activité aujourd’hui, transforme de la pulpe dans la région depuis 1963. L’usine F. F. Soucy emploie plus d’une centaine de travailleurs et est située dans les anciens ateliers du CN, sur la rive gauche de la rivière. Son fondateur, François-Florentin Soucy, a été le premier à actionner un moulin à pâte mécanique au Québec en 1886, à une douzaine de kilomètres de la ville, sur le territoire actuel de Saint-Antonin. Sous l’égide de la famille Soucy, la production s’oriente vers le papier journal qui prend le chemin des États-Unis. Les beaux jours de l’usine fournissent de l’emploi à plus de trois cents personnes. La compagnie Papiers White Birch a modernisé les installations et se tourne vers l’innovation et le développement de nouveaux produits pour assurer son avenir.
Parmi l’exploitation des ressources naturelles, le passage de la tourbe de simple ressource première expédiée en ballots au début du 20
e siècle à son rôle de vecteur de développement durable au tournant du 21e siècle démontre à lui seul la force du milieu et l’ingéniosité de ses entrepreneurs. En 1923, la compagnie Peat Moss Corporation de New York lance l’exploitation des tourbières de la région, une première en Amérique. En 1963, Bernard Bélanger développe l’exploitation des tourbières avec ses associés, étendant ses activités jusqu’au Manitoba et au Nouveau-Brunswick. L’introduction de l’aspirateur géant révolutionne la récolte de la matière. Dès 1989, l’entreprise Premier Tech rallie les différents départements d’ingénierie et de fabrication d’équipements. À partir de la tourbe de mousse de sphaigne sur laquelle se basent ses principales activités, la multinationale manie autant le génie mécanique que la recherche scientifique pour le développement de produits qui révolutionnent l’horticulture et l’agriculture.
La fabrication
Plusieurs entreprises d’envergure dépassent largement les frontières régionales, de la fabrication du vitrage chez Prelco à la récupération de métal chez J.M Bastille jusqu’à la production de portes et fenêtres des Lepage Millwork ou de Martin Portes et fenêtres, toutes reconnues dans l’Est du Canada et des États-Unis.
En 2016, la Ville de Rivière-du-Loup est d’ailleurs nommée ville entrepreneuriale de l’année au Canada.
Les institutions d’enseignement
Le monde de l’éducation québécois connaît des bouleversements sans précédent au milieu du 20
e siècle avec la déconfessionnalisation de l’enseignement. Comme ailleurs, les grands collèges classiques et les couvents se vident au profit des nouvelles écoles construites dans la foulée des années 1960. À Rivière-du-Loup, la naissance du Foyer-Patro, en 1959, marque profondément l’histoire de l’enseignement dans la région. Ce complexe visionnaire, créé en partenariat avec la Ville et les différents paliers de gouvernement, est fréquenté encore aujourd’hui et comprend le Stade de la Cité des Jeunes, le Pavillon Taché, le Pavillon de l’Avenir et le Cégep de Rivière-du-Loup ainsi que son Centre culturel. Marquant les premiers développements urbains au pied de la côte Saint-Pierre, le complexe est un important legs pour l’éducation et le développement culturel de la région.
Construction du Centre culturel de Rivière-du-Loup inauguré en mars 1967. Société d’histoire et de généalogie de Rivière-du-Loup.
Aujourd’hui, la ville de Rivière-du-Loup, surnommée « la ville aux trois clochers », se distingue autant pour son dynamisme culturel, ses succès économiques, l’ambiance chaleureuse de son quartier historique que pour la beauté pastorale de son parc des Chutes.